les huiles estérifiées
Beauté

Les huiles estérifiées : un débat qui divise

Si vous avez déjà effectué quelques recherches sur les huiles estérifiées, vous avez dû vous faire un avis très tranché sur le sujet, et vous avez certainement décidé de les éviter. Les informations relayées à propos des huiles estérifiées sont assez déconcertantes, autorisées pourtant en cosmétique bio, elles ont très mauvaise réputation. Cet article a pour objectif de rationaliser et de casser certains mythes bien ancrés autour de ces huiles.

Il y a quelques temps, je rencontrais Émilie Dauphin, coach capillaire, qui tient le blog cheveux Crinière Libérée et qui a créé le programme Libère ta crinière pour vous aider à mettre en place une routine naturelle pour vos cheveux. Nous avons toutes les deux le même attrait pour le soin des cheveux, mais surtout, nous avons à coeur de comprendre le fonctionnement des produits que l’on utilise afin de les choisir au mieux lorsque l’on souhaite traiter une problématique particulière. Alors que je pensais moi aussi que les huiles estérifiées n’apportaient pas grand chose aux cheveux, nous avons échangé sur le sujet, elle m’a d’ailleurs conseillé la lecture de cet article de blog à propos des huiles estérifiées écrit par la marque Denovo. J’ai approfondi mes recherches suite à cette conversation, et voici le résumé vulgarisé de ce que j’ai appris. J’espère que cet article vous éclairera pour choisir les huiles les plus intéressantes pour vos cheveux.

Je vous renvoie aussi vers mon article sur la capacité de pénétration des huiles végétales : Les huiles pénétrantes et les huiles scellantes pour le soin des cheveux. Il vous permettra de choisir les huiles végétales brutes les plus adaptées en fonction de l’utilisation que vous souhaitez en faire.

Qu’est-ce qu’une huile estérifiée ?

Commençons par les bases et définissons ce qu’est une huile estérifiée.

Une huile estérifiée est une huile transformée en laboratoire. En chimie organique (branche de la chimie consacrée à l’étude du carbone et de ses combinaisons), le procédé s’appelle l’estérification et permet de transformer une substance en ester, en faisant réagir les acides gras d’une huile végétale avec un alcool gras comme le glycérol (petit nom chimique de la glycérine).

Cette réaction est aussi appelée estérification de Fischer ou estérification de Fischer-Speier.

On obtient ensuite des esters carboxyliques, des dérivés des acides carboxyliques. Les acides carboxyliques désignent l’ensemble des acides gras.

Ces esters sont obtenus la plupart du temps à chaud, et cette chauffe ne permet pas de conserver les vitamines et les nutriments des huiles végétales. Mais les avantages des huiles estérifiées sont ailleurs.

Les huiles estérifiées vont présenter une texture plus fluide, qui s’étale plus facilement sur la peau et les cheveux qu’une huile végétale pure. Elles sont aussi moins grasses, plus légères et plus pénétrantes.

Les huiles estérifiées conservent les propriétés nourrissantes, émollientes et assouplissantes des huiles végétales, mais offrent une meilleure sensorialité.

Les huiles estérifiées sont utilisées en cosmétique bio pour ces raisons, très souvent couplées à des huiles végétales pures. En cosmétique conventionnelle, on retrouvera des huiles minérales issues de la pétrochimie, moins chères que les huiles végétales et les huiles estérifiées, pour améliorer la sensorialité des produits. Mais les huiles minérales n’ont pas de pouvoir nutritif.

Les huiles estérifiées, un débat qui divise

Lorsqu’on tape « huiles estérifiées » sur Google, on trouve énormément d’articles visant à décrédibiliser ces ingrédients et à les bannir de sa routine capillaire.

Essayons de démêler le vrai du faux :

Les huiles estérifiées coûtent moins cher aux fabricants

Vrai et faux.

Comme les huiles végétales, les huiles estérifiées ne coûtent pas toutes le même prix. Certaines huiles végétales sont proposées à des prix élevés en raison de leur mode d’extraction ou de leur rareté. Il en est de même pour les huiles estérifiées.

Alors oui, l’huile de figue de barbarie sera plus chère que n’importe quelle huile estérifiée. Mais est-ce un exemple parlant ? Non bien sûr, puisque nous comparons l’incomparable. L’huile de figue de barbarie est chère pour plusieurs raisons : il faut 30kg de pépins pour obtenir un litre d’huile, soit plus d’une tonne de fruits. Ces pépins doivent être extraits, lavés et séchés, et ce sont des étapes bien souvent réalisées à la main.

Le Caprylic/Capric Triglyceride est effectivement très peu cher et peut en effet être utilisé pour réduire les coûts de fabrication d’un produit.

Pour autant, la plupart huiles estérifiées se révèlent bien plus chères que certaines huiles végétales bio et pures :

Le Coco Caprylate, l’Isoamyl laurate ou le Dicaprylyl carbonate coûtent  4 à 5 fois plus cher qu’une huile végétale pure bio type tournesol ou Carthame.

Denovo

Donc il n’est pas pertinent de faire des généralités comme celles-ci : non les huiles estérifiées ne représentent pas une économie pour les fabricants lorsqu’on sait que des huiles de supports comme l’huile de tournesol ou de carthame sont utilisées comme base (et donc en proportion majoritaire) dans de nombreux cosmétiques sans huiles estérifiées.

Les huiles estérifiées ne servent à rien

Faux et archi faux !

Les huiles estérifiées, par leur composition très riche en acides gras, vont bien mieux pénétrer la fibre capillaire que certaines huiles végétales pures.

Je vous en parlais déjà dans l’article Les huiles pénétrantes et les huiles scellantes pour le soin des cheveux, toutes les huiles ne peuvent pas pénétrer la fibre capillaire. Seulement celles contenant des acides gras à chaîne courte en sont capables, et c’est loin de concerner la majorité des huiles végétales !

Et les huiles estérifiées vont aussi contourner certains désagréments auxquels on peut être confronté avec les huiles végétales pures. Prenons l’exemple de l’huile de coco. Tous les cheveux ne l’apprécient pas, certaines personnes vont l’utiliser en bain d’huile et les cheveux vont ensuite paraître très secs, cartonnés, cassants et rêches, bref absolument pas l’effet escompté !

L’huile de coco (et le lait de coco) contiennent de l’acide laurique, un acide utilisé en saponification qui va améliorer l’effet lavant des tensioactifs et augmenter le pouvoir moussant. Son effet détergent pourrait être en cause dans les cas où l’huile de coco rend les cheveux secs, mais il n’y a pas d’étude qui ne prouve aujourd’hui.

Par contre, on peut quand même profiter des bienfaits de l’huile de coco et notamment de ses acides gras à chaîne courte grâce aux huiles estérifiées obtenues à partir de l’huile de coco. L’huile de coco fractionnée (Caprylic / Capric triglyceride), ou le coco silicone (Coco-caprylate), ne contiennent plus d’acide laurique mais elles restent riche en acides caprique et caprylique qui pénètrent très bien la fibre capillaire.

L’huile de coco est aussi connue comme étant une huile comédogène, c’est-à-dire une huile qui obstrue les pores de la peau et qui peut provoquer des imperfections. Les huiles estérifiées ne sont pas comédogènes car elles ne sont pas occlusives, on peut donc l’utiliser sur la peau sans crainte.

Les huiles estérifiées vont aussi améliorer la stabilité des formules car elles ne s’oxydent pas et améliorent la texture finale.

Difficile de dire qu’elles ne servent à rien !

Les huiles estérifiées ont un impact écologique désastreux

Vrai et faux.

Il est d’usage de penser que les huiles estérifiées sont obtenues à partir de l’huile de palme. Certaines le sont, mais c’est loin de représenter la majorité.

Si on extrait vraisemblablement certaines [huiles estérifiées] de l’huile de palme (Ethylhexyl Palmitate par exemple), ce n’est pas le cas de la majorité d’entre elles. Elles […] sont souvent extraites de l’huile de coco. Simplement parce que le rendement de l’huile de coco en acide caprylique est bien plus intéressant que celui de l’huile de palme d’une part, et parce que l’huile de coco est plus simple à utiliser pour l’estérification que l’huile de palme.

Denovo

Les procédés de fabrication des huiles estérifiées ne sont absolument pas polluants et ces huiles sont totalement biodégradables, tout comme les huiles végétales.

Cependant, l’impact de la culture de coco pour la consommation ou l’utilisation cosmétique n’est pas nul, au même titre que celle de l’huile de palme. Comme une huile de coco pure, les huiles estérifiées ont besoin, pour être produites, de matières premières qui viennent de loin, qui mettent à mal la biodiversité et qui posent des questions éthiques et sociales quant aux conditions de travail. D’ailleurs, pour une même quantité d’huile, il faudra 2 à 3 fois plus de cocotiers que de palmiers à huile. Donc l’huile de coco a un impact plus lourd environnementalement parlant que l’huile de palme. Pour autant, ces cultures font vivre de nombreuses exploitations et sont aujourd’hui les plus efficaces pour produire de nombreux tensioactifs, agents de texture etc… L’idée n’est pas de dire « bannissez la palme et la coco » car vous n’y arriverez tout simplement pas. Trop d’ingrédients aujourd’hui en sont des dérivés. Mais il est important d’être conscient que diaboliser l’huile de palme au regard de la déforestation qui en découle ne signifie pas que l’huile de coco est la réponse parfaite, bien au contraire. Chaque culture devient problématique dès lors qu’elle se développe à grande échelle.

Les huiles estérifiées sont mauvaises pour la santé

Faux.

Les huiles estérifiées ne sont pas toxiques ni allergisantes.

Elles ne sont pas non plus occlusives ni comédogènes comme je l’ai déjà dit plus haut.

Faut-il privilégier les huiles estérifiées ou les huiles végétales ?

Il n’est pas nécessaire de faire un choix entre huiles estérifiées et huiles végétales. D’ailleurs je ne vous le recommande pas.

Elles sont finalement complémentaires, utilisées ensembles, elles vont offrir toutes les vitamines et les nutriments d’une huile végétale pure et le pouvoir de pénétration, la sensorialité et le fini sec d’une huile estérifiée.

Reconnaître les huiles estérifiées dans une liste INCI

Voici une liste non exhaustive de leur dénomination INCI :

  • Caprylic/Capric Triglyceride
  • Coco Caprylate
  • Isoamyl laurate
  • Isopropyl Palmitate
  • Dicaprylyl carbonate
  • Dicaprylyl ether
  • Oleyl Linoleate
  • Oleyl Erucate
  • Decyl Oleate
  • Coconut alkanes
  • Octyldodecanol

L’avis de Coralie, formulatrice en cosmétique

Coralie est formulatrice dans un laboratoire cosmétique spécialisé dans les produits biologiques et naturels. Elle tient le compte Instagram @Bioralie, une mine d’informations si, comme moi, vous aimez comprendre comment les produits cosmétiques fonctionnent. Elle a aussi tout récemment lancé sa propre gamme de produits avec trois huiles végétales, peu communes, mais aux bienfaits incroyables, et surtout des huiles produites localement, en France. Je lui ai demandé son avis de formulatrice à propos des huiles estérifiées, et voici sa réponse :

Il faut savoir que la plupart des huiles estérifiées ne présentent plus de bienfaits pour la peau, elles perdent leurs actifs au moment de la transformation chimique. Mais pour autant, les huiles estérifiées ne peuvent pas être bannies des produits cosmétiques, car elles présentent de nombreux avantages en formulation.

C’est grâce aux huiles estérifiées, que l’on appelle « émollients », que la texture va pénétrer la barrière cutanée. Si on ne met que des huiles et des beurres végétaux dans une crème par exemple, elle sera bien trop grasse, et ne pénètrera pas correctement la peau.

Et surtout, les émollients véhiculent les actifs dans la peau, donc même si un produit contient d’excellents actifs, ça ne suffit pas, car il faut que ces actifs pénètrent. De bons actifs utilisés seuls dans une formulation vont rester sur la peau, en surface, et finiront absorbés par l’oreiller etc…

Les émollients aident à appliquer les textures, apportent du glissant et facilitent l’étalement du produit. On va pouvoir aussi incorporer des actifs très gras, tout en conservant une texture au fini sec et pénétrant.

Pour le prix de ces émollients, le Caprylic/Capric Triglyceride est effectivement moins cher que la plupart des huiles végétales, mais c’est bien le seul. Celui-ci sera en effet souvent utilisé pour réduire les coûts de fabrication et on peut dans ce cas perdre en bienfaits dans le produit fini. Mais tous les autres émollients ne représentent aucune économie pour les fabricants.

Coralie de Bioralie

Sélection d’huiles capillaires naturelles

Je n’en ai pas testé beaucoup, donc je vais vous présenter les deux qui me viennent en tête et que mes cheveux apprécient :

Cet article n’a absolument pas été rédigé en collaboration avec Denovo, mais leur article a été le déclencheur de mon envie d’écrire sur le sujet et j’aime leur huile pour les cheveux depuis plusieurs années, voilà tout 🙂

J’espère que ces informations vous seront utiles, n’hésitez pas à partager l’article sur Pinterest si vous avez aimé !

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